Les couleurs de l’enlumineur proviennent du monde minéral, végétal et animal.
Les couleurs minérales sont les couleurs les plus stables. On distingue plusieurs origines : les ocres jaune et rouge, les terres (vertes, brunes ou noires), les minéraux réduits en poudre cinabre (sulfure de mercure), réalgar (disulfide d’arsenic), orpiment (trisulfure d’arsenic), malachite, lapis lazuli et azurite et l’oxydation des métaux : céruse (oxyde de plomb), en chauffant la céruse on obtient le minium, le vert de gris (oxydation du cuivre). Les métaux sont oxyde avec de l’urine, du vinaigre ou du marc de raisin. Ces pigments sont conservés en poudre ou mélangés à la détrempe et conservés dans des coquilles.
Les couleurs végétales extraites par macération, décoction ou fermentation ont besoin d’être stabilisées. Elles sont conservées sur des piécettes de lin imprégnées d’alun (sel métallique) ou précipitées sous forme de laque : bois Brésil (écorce), vert d’iris, safran,curcuma ,genêt des teinturiers, gaude, nerprun (photo), indigo, pastel, garance, sang de dragon. Les végétaux calcinés donnent des pigments noirs.
Les couleurs animales
Les recettes pour fabriquer la pourpre à partir de coquillages sont perdues dès le haut moyen âge. La matière colorante d’origine animale est le kermès appelé aussi " graine ". Le pigment rouge provient du corps desséché d’un insecte parasite d’un chêne du bassin méditerranéen. On obtient également un colorant rouge identique au kermès avec la cochenille (photo) de Pologne
Qu’elles que soient leurs origines, les pigments se travaillent à l’aide d’une détrempe. La détrempe est l’amalgame de plusieurs corps permettant au pigment de s’agglomérer et d’adhérer au parchemin. Elle se compose d’un liant : l’œuf et principalement le blanc d’œuf en enluminure. Le blanc d’œuf est rompu à l’éponge pour lui faire perdre sa viscosité, et on y ajoute des clous de girofle pour le conserver. Il sert a agglomérer le pigment en poudre. La gomme arabique est le liant le plus répandu et permet à la peinture d’adhérer sur le support. Enfin le miel apporte de la souplesse à la matière.
L’enlumineur doit broyer ses pigments avec la détrempe. Cette opération est primordiale car d’elle dépend la bonne tenue de la peinture. Le broyage s’effectue sur une plaque de pierre très dure (porphyre ou granite) à l’aide d’une molette (photo). Il permet à la fois d’affiner le grain du pigment et d’agglomérer ses grains au liant. Une fois sèche, la préparation s’utilise comme de la gouache : c’est une peinture à l’eau.
Outre les outils d’écriture, l’enlumineur dispose de pinceaux très fins en poils de marte et d’écureuil enchâssés dans un manche de bois. L’enlumineur ne mélange jamais les couleurs entres elles. Certaines sont d’ailleurs incompatibles comme les pigments à base de souffre et ceux à base de plomb. Il peut seulement éclaircir ses couleurs en ajoutant de la céruse. Il peint en superposant de fines couches de couleur jusqu’à la l’intensité souhaitée. Il varie les nuances en jouant sur la granulométrie du pigment. En effet plus un pigment est broyé fin plus il s’éclaircit. En changeant la nature du liant il obtient des effets picturaux différents. A partir du XVème siècle, en gardant la même palette de couleurs, il obtient de nouvelles teintes en jouant sur les effets de transparence grâce à la superposition de voiles de nature différentes.